Pourquoi Berlin prévoit de plafonner les prix de l'électricité jusqu'en 2030 ?

Pour bien comprendre pourquoi Berlin veut plafonner les prix de l’électricité, il convient d’abord de voir la composition du mix énergétique allemand. Au premier trimestre 2022, l’Allemagne produisait 47,1 % de son électricité grâce aux énergies renouvelables. Les 52,9% restant sont produites à base d’énergies dites « conventionnelles », principalement les énergies fossiles. En effet, la politique énergétique de l’Allemagne a conduit le pays à engager une sortie du nucléaire qui représentait moins de 6% de l’électricité injectée sur le réseau. 

Une hausse des prix du gaz 

Le gaz naturel reste l’une des sources d’énergie les plus utilisées dans le mix allemand. Elle représente 13% du mix énergétique de nos voisins. Or, la guerre en Ukraine a eu pour conséquence de faire flamber les prix du gaz. En septembre 2022, suite à la fermeture temporaire du gazoducs Nord Stream, qui relie la Russie à l’Allemagne, le prix du gaz sur les marchés de gros a subi une hausse de 30%.

Toutefois, les prix du gaz ont chuté depuis le début de l’année 2023 sur les marchés européens. Cependant, au vu de la volatilité des prix, il est difficile pour le gouvernement allemand de prévoir une baisse sur le long terme. En outre, d’autres énergies entrent en jeu dans le mix énergétique. 

Une hausse des cours du charbon

Le charbon qui représente 31,5% du mix énergétique de l’Allemagne a lui aussi subi des fluctuations de prix très importantes. En 10 ans, le prix de la tonne de charbon a enregistré une variation de +52.13% ce qui a pu avoir une incidence sur le prix de l’électricité.

Face à la fluctuation des prix de l’électricité, Berlin envisage donc de plafonner les prix pour les industries énergivores pendant encore quelques années. Un moyen de soutenir la compétitivité des grandes entreprises. 

Sont concernés les sites électrointensifs comme : 

• la chimie, 
• le papier, 
• le verre, 
• l'acier, etc. 

Selon Robert Habeck, le Ministre de l’Economie de l’Allemagne, « Les prix de l'électricité baissent, mais ils resteront dans les prochaines années le double ou le triple de leur niveau d'avant la guerre en Ukraine ». 

Le gouvernement envisage donc un dispositif proche de l’amortisseur électricité en France, en plafonnant à 6 centimes le kWh, 80% de l’électricité consommée par ces industries. L’objectif ? Eviter les délocalisations dans des pays où l’énergie reste moins chère et préserver l’emploi. A titre d’information, le prix de l'électricité pour les entreprises en Allemagne était porté à 18 centimes par kWh HT au second semestre 2022, contre moins de 10 centimes avant 2021, d’après Destatis, l’office allemand de la statistique.

Avec un coût estimé entre 25 et 30 milliards d'euros, ce projet est très contesté au sein même du gouvernement d’Olaf Scholz. Christian Lindner, Ministre des finances a fait savoir qu’il jugeait cette proposition peu adaptée et ces « subventions très onéreuses ».

Cette mesure entrerait dans le cadre du plan d’aides de 200 milliards d’euros déjà mis en en place pour aider les particuliers et les professionnels face à la crise de l’énergie. Comme le rappelle l’AFP « ce « bazooka » énergétique de 200 milliards d’euros lui avait valu des critiques de certains partenaires européens déplorant une concurrence déloyale. ». 

Reste à savoir s’il sera approuvé et mis en œuvre par les autorités allemandes…

En France, pour aider la compétitivité des entreprises, le gouvernement a accordé le bouclier tarifaire aux petits professionnels et aux TPE et propose un amortisseur électricité pour les entreprises. Ce dernier consiste en un plafonnement des prix sur 50% de la facture d’électricité de l’entreprise. 

Appliquées en 2023, ces aides ne devraient pas se poursuivre l’an prochain. C’est ce qu’a fait savoir Roland Lescure, le Ministre délégué à l’industrie. « L’électricité, le gaz ont beaucoup baissé. […]. Donc aujourd’hui, les entreprises n’ont pas besoin d’aide » a-t-il expliqué. Cependant, le ministre reste prudent. « Évidemment, comme on l’a fait l’année dernière, si à l’automne, on se rend compte qu’on en a besoin, on le fera et on le fera dans un cadre européen, c’est normal » a-t-il ajouté. 

Sur le segment des particuliers, le bouclier tarifaire du gaz prend fin le 30 juin 2023, date de suppression des tarifs réglementés de vente du gaz naturel. En revanche, il devrait continuer à s’appliquer sur l’électricité jusqu’en 2025, les prix étant encore « très élevés » d’après Bruno le Maire, ministre de l’Economie.