Agrivoltaïsme : quid du décret ?

La Loi d’accélération de production d’énergies renouvelables (APER) date de mars 2023 et vient de voir paraître le décret N° 2024-318. Ce dernier est entré au journal officiel le 8 avril 2024. Que propose-t-il ? Qu’apporte-t-il comme changements ? Quels sont les défis à mener ? Alpiq vous en dit plus.

Décret d’avril 2024 : ce qui est dit

Après avoir été repoussée, la publication au journal officiel du décret a été réalisée le 8 avril après négociations entre les parties prenantes. Le but de ce décret est d’encadrer le développement de l’agrivoltaïsme pour enrayer certaines inquiétudes sur cette pratique.

Le décret implique aussi des limites, notamment sur le taux de couverture des sols par les installations solaires qui ne doit excéder les 40%. En effet, cela permettra de limiter les risques dus à une baisse de rendement, et cette dernière ne doit pas dépasser les 10%, le plafond fixé grâce à des observations menées sur des parcelles témoins.

Le non-respect de ces critères pourrait, entre autres, entraîner des sanctions allant jusqu’au démantèlement des installations agrivoltaïques mises en place sur le terrain. Si ce non-respect est considéré comme une fraude, le contrat de rachat de l’électricité produite pourra être annulé.

Enfin, le décret prévoit que le photovoltaïque au sol ne soit possible que dans des parcelles prévues à cet effet, définies par les chambres de l’agriculture. Parmi ces parcelles, on retrouve les terrains incultes ou non exploités depuis au moins 10 ans ou des terrains considérés comme propices, comme les friches industrielles ou d’anciennes carrières, etc. ce dernier point permet de prendre des dispositions pour qu’un terrain récemment cultivé ne puisse être transformé en champ photovoltaïque au sol.

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Réglementation de l’agrivoltaïsme en France

L’agrivoltaïsme permet tout simplement d’associer l’agriculture, qu’elle soit d’ordre de l’élevage, de la vigne, des céréales, etc., et, de manière secondaire, la production d’électricité par la pose de panneaux photovoltaïques sur les terres agricoles afin d’accélérer la production d’énergie issue du renouvelable.

En effet, pour que l’installation reçoive l’appellation d’agrivoltaïque, il faut que cette dernière apporte un ou plusieurs services à l’activité agricole, comme : 

  • une amélioration du potentiel agronomique,
  • une protection contre les aléas (sécheresse, canicule, gel, etc.),
  • soit l’adaptation au changement climatique,
  • ou encore une amélioration de la condition animale dans l’élevage.
Bon à savoir

Il est spécifié de manière claire que l'agriculture doit rester l’activité principale de la parcelle agricole concernée.

Développement de l’agrivoltaïsme dans l’hexagone

Avant que ce décret ne paraisse, les projets d’agrivoltaïsme en France se faisaient sous forme d’appels d’offres effectués par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), cette dernière consacrait alors ces projets aux installations de production d’électricité “innovantes à partir d’énergie solaire”. Le décret d’avril permet alors un suivi plus précis de ces projets pour l’accélération du développement photovoltaïque.

Bon à savoir

La France a pour projet de déployer 100 GW issus du photovoltaïque d’ici à 2050. Agnès Pannier-Runacher, déléguée du ministre de l’Agriculture, explique donc que “la publication de ce décret marque une étape importante pour le développement de l’agrivoltaïsme en France. Ces projets permettront de produire de l’électricité verte dans des exploitations qui poursuivront en parallèle leurs activités agricoles, la production alimentaire restant toujours prioritaire”.

Les différents types de projets d’agrivoltaïsme

Les systèmes agrivoltaïques se déclinent en plusieurs installations. Il y a des structures composées de rangées de panneaux solaires, laissant des espaces suffisants pour le passage le matériel agricole pour la culture, des structures proches du sol, associées à de l’aquaculture et une pose de panneaux flottants, par exemple, et enfin des structures surélevées permettant aux engins agricoles de passer en dessous. Ces dernières peuvent être aussi envisagées dans le cadre de l’élevage, car les panneaux peuvent être une source d’ombrage.

Les avantages et les défis issus de l’agrivoltaïsme

Le système agrivoltaïque devrait permettre une protection des cultures par rapport aux intempéries, de l’ombrage pour le bétail et certaines cultures tout en ayant une exposition optimale au rayonnement solaire. De fait, le principe même apportera une complémentarité entre la production agricole et la production d’énergie, apportant une rémunération supplémentaire et plus stable aux agriculteurs.

Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Énergie, a déclaré qu’il “y avait un vrai besoin tant du côté des agriculteurs que des énergéticiens de clarifier les conditions dans lesquelles le photovoltaïque peut se déployer sur les terres agricoles. Avec ce décret, le Gouvernement précise ce cadre et je tiens à saluer le grand travail de concertation qui a été conduit. À la fin, c’est une meilleure rémunération pour le monde agricole, et de l’énergie renouvelable dont nous avons absolument besoin.”

Bon à savoir

Comme le dit Roland Lescure, un bilan sur les effets du décret de l’agrivoltaïsme est prévu pour l’année prochaine, afin de faire le point sur les attentes et les mises en œuvre dans le domaine : “Nous ferons un bilan dans un an, d’ici là allons-y !”

Agrivoltaïsme, quel avenir ?

Lors de la publication du décret au journal officiel, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, a déclaré que “l'agrivoltaïsme contribue aux besoins de décarbonation du pays et permet la complémentarité des intérêts agricoles et énergétiques au service de la transition écologique. La publication de ce décret va permettre à la France d'accélérer ses ambitions en matière d'agrivoltaïsme. À l'heure où notre pays doit s'adapter aux effets du réchauffement climatique, il est indispensable de repenser nos usages et d'optimiser les ressources disponibles”.

La programmation pluriannuelle de l’énergie ambitionne l’installation de 44 GW de photovoltaïque d’ici 2028, où on en compte actuellement environ 15 GW. L’agrivoltaïsme pourrait bien permettre, en partie, d’atteindre cet objectif.

Bon à savoir

Selon l’énergéticien EDF ENR et les scientifiques de la revue Nature, “si 1% de la surface utilisée pour l’agriculture était combinée à la production photovoltaïque, la totalité de la demande mondiale en électricité serait couverte”, et “le potentiel pour l’agrivoltaïsme est considérable : l’électricité générée par les systèmes agrivoltaïques pourrait couvrir 25 fois la demande électrique actuelle en Europe” d’après des chercheurs de l’université d’Aarhus au Danemark.

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